Conference abstract

Les leishmanioses au cours des deux dernières décennies: évolution épidémiologique

Pan African Medical Journal - Conference Proceedings. 2017:4(17).15 Nov 2017.
doi: 10.11604/pamj-cp.2017.4.17.395
Archived on: 15 Nov 2017
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Keywords: Leishmaniose, épidémiologie, évolution
Abstract

Les leishmanioses au cours des deux dernières décennies: évolution épidémiologique

Fatma Cheikhrouhou1,&

1Laboratoire de Parasitologie Mycologie CHU Habib Bourguiba, Sfax, Tunisie

&Auteur correspondant
Fatma Cheikhrouhou, Laboratoire de Parasitologie Mycologie CHU Habib Bourguiba, Sfax, Tunisie

Abstract

Introduction: les leishmanioses sont des maladies parasitaires dues à un protozoaire flagellé du genre Leishmania, transmis de mammifère à mammifère par piqûre d’un diptère vecteur, le phlébotome femelle. Depuis la description de la première espèce de Leishmania par Laveran et Mesnil en 1903, la leishmaniose ne cesse de susciter l’intérêt de la communauté médicale et scientifique, de par sa répartition mondiale, la diversité de ses types, la variété de ses vecteurs et hôtes, ainsi que son polymorphisme clinique.

Méthodes: revue systémique de la littérature mondiale et de l’histoire médicale tunisienne concernant cette maladie.

Résultats: si la classification classique en leishmaniose de l’ancien monde et du nouveau monde est toujours utilisée, cette répartition « géographique » devrait être revue et ne tarderait pas à faire défaut pour plusieurs raisons réunies en un seul mot: mondialisation. Le bouleversement climatique aurait une conséquence certaine sur la redistribution géographique de toute la chaine de transmission de la leishmaniose (réservoir, vecteur, espèces de leishmania). L’exode humain qu’on suit quotidiennement ferait également basculer ces données épidémiologiques. La fréquence élevée de la co-infection leishmaniose-VIH, apportera sa pierre à l’édifice. Les leishmanioses sont répandues sur tous les continents à l’exception de l’Océanie, sous la forme de foyers plus ou moins étendus. On recense dans le monde environ 2 millions de nouveaux cas humains par an, d’expressions cliniques variées, depuis la leishmaniose cutanée localisée bénigne jusqu’à la leishmaniose viscérale avec dissémination du protozoaire dans tout l’organisme, qui peut, en l’absence de traitement, entraîner la mort. En fait, il faut distinguer 2 formes de leishmaniose viscérale (LV): La LV anthroponotique, avec l’homme comme seul réservoir de Leishmania donovani. Elle sévit sous forme d’épidémies au Soudan, en Éthiopie, en Inde, au Népal et au Bangladesh, La LV zoonotique due à L. infantum (L. chagasi en Amérique latine), avec comme réservoir de parasites le chien, qui peut développer une maladie mortelle. Elle est décrite en Chine, au Pakistan, en Amérique latine et dans le bassin méditerranéen. C’est la forme observée en Tunisie. On décrit la LV dans 88 pays et quatre continents: Afrique, Amérique centrale et du Sud, Asie et Europe. Au total, 370 millions de personnes sont exposées au risque de la maladie. Son incidence à l’échelle mondiale est de 500 000 cas par an, dont 90 % sont recensés dans seulement 5 pays: Inde, Népal, Bangladesh, Soudan, Brésil. La leishmaniose se contracte dans tous les pays et les îles de la mer Méditerranée. Dans les 3 pays du Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie), elle est observée dans 95% des cas chez des enfants de moins de 5 ans. Depuis les années 1980, la LV est une infection opportuniste émergente avec plus de 2 000 cas de co-infections VIH-Leishmania ont été rapportés. La leishmaniose viscérale constitue un problème de santé publique en Tunisie. C’est la deuxième maladie vectorielle. Elle est à déclaration obligatoire. Elle se maintient comme une parasitose endémique non contrôlée en Tunisie avec une augmentation de son incidence et une extension de son aire de distribution avec un taux d’incidence de 0.09 en 2015. Cette évolution serait principalement en rapport avec la promotion récente d’activités agricoles favorables à la pullulation des phlébotomes vecteurs et des chiens réservoirs de Leishmania infantum. La leishmaniose cutanée est émergente en Afrique du Nord avec une augmentation importante de l’incidence des cas et une extension de la répartition géographique. L’incidence dépasse les milliers de cas chaque année en Algérie, Libye, Maroc et Tunisie. La maladie constitue un problème majeur de santé publique en Tunisie, avec un impact négatif sur la productivité et un handicap pour le développement, qui altère les conditions socio-économiques et psycho-sanitaires. Le nombre de cas recensés ne cesse d’augmenter avec 1133 cas en 2015 (soit une incidence de 10.31). Trois espèces de Leishmania, associées à des caractéristiques environnementales, épidémiologiques et cliniques distinctes, sont responsables de la maladie, à savoir Leishmania infantum, L. major et L. tropica. Leishmania major est de loin la plus fréquente en Algérie, Libye et Tunisie avec plus de 90% des cas enregistrés.

Conclusion: la connaissance de ces paramètres, grâce à une approche multidisciplinaire et intégrée, est fondamentale pour un contrôle de la maladie, qui reste par ailleurs également confronté aux insuffisances des ressources et des mesures efficaces de lutte. Un programme national de lutte et de prévention contre ce fléau ou la Tunisie reste encore parmi les pays les plus touchés n’a pas encore vu le jour.